vendredi 5 novembre 2021

À propos du jeu de rôle Mega avec Figurines

Mega le jeu de rôle des Messagers galactiques de Laelith pour jdr avec figurines 28mm

 Si, pour moi, le plaisir de jouer aux Messagers galactiques à Laelith passe par le jeu de rôle avec figurines 28mm, cela relève d'une pratique personnelle qui vient enrichir la diversité de nos hobbies préférés. Il sera temps d'en reparler. Pour l'heure, tâchons juste de comprendre en quoi un jdr comme Méga était à son origine quasi indissociable des figurines. Nous ne reviendrons pas sur les règles et création de personnages – souvent jugées assez complexes – car le jeu de rôle se concevait ainsi à l'époque... Le succès du jdr Mega – d'avant le 5e paradigme – était aussi dû à son système de combat, ses lancers de dés, ses aptitudes en pourcentage et localisations de dommages, à son côté pulp très « service M » de James Bond avec catalogue d'armement, gadgets et équipement… Néanmoins, l'originalité du jeu aura été – dès le départ – « d'adoucir » cette réalité par un background qui invitait les joueurs à raisonner et négocier avant de tirer… Si chacun pouvait rôliser son personnage – et le MJ ses PNJ – il était toutefois convenu qu'au moment des interactions des « supports » permettent de mieux s'y retrouver dans la complexité des combats. Nous reparlerons de ce concept « Carte & Territoire »... 

Jeu de rôle et wargame avec figurines

La carte de Laelith pour les Messagers galactiques :

Le premier support indissociable de Mega, c'est la carte ; c'est elle qui permet déjà de valider la « descente » du Transit, de mieux imaginer le cadre de l'action. Je te promets d'agrémenter le blog par quelques cartes revisitées de Laelith pour coller au background des Messagers galactiques. Outre une grille – ou des repères de chiffres et lettres sur les côtés –, des tables quant aux durées des distances, selon les véhicules, seront aussi judicieuses.  

Passons au territoire des figurines 28mm :

Quand la descente se termine en un point de la carte, il faut alors changer d'échelle vers quelque chose de plus concret ; on passe aux maquettes et figurines 28mm. Dans l'absolu tout est possible et nous pourrions imaginer des montages cocasses – à la Kad & Olivier – à base de maisons de poupées, Barbie et Ken, Hulk en plastique, et autres Playmobils… Mais de telles installations restent inadaptées à une table de jeu ; le « délire » a ses limites et rien ne remplace une échelle qui – par cohabitation avec les wargameurs et D&D – fut naturellement celle de la figurine 25/28mm. Dès lors, deux écoles existent :
- Celle à la Didier Guiserix qui utilise des figurines le plus souvent non peintes sur velleda effaçable. Cette école part du principe qu'il faut un support le plus neutre possible pour ne pas interférer avec l'imagination de chacun. En outre, c'est rapide pour le MJ qui peut mieux se concentrer sur son scénario. Le plus souvent, ce jeu de rôle évoluera vers l'abandon pur et simple du support pour ne conserver que les dés, les feuilles de Personnages, voire quelques images à montrer.
- Celle qui prendra du temps et plaisir à fabriquer des maquettes et décor, à peindre un minimum ses figurines, afin que le support soit vraiment une base importante pour l'ambiance et le déroulement du jeu. Cette voie mènera nombre de rôlistes au wargame 28mm, notamment après l'engouement de Warhammer battle first edition...

De toute façon, rien n'empêchait d'avoir des pratiques multiples entre jeu de rôle « pur » d'un côté et wargame/jeu de figurines de l'autre. La particularité d'une forme originelle de jeu comme Mega fut même de bien mélanger les deux genres… Sans rentrer dans un faux historique sur l'origine du jeu de rôle issu de la « caisse de sable » de quelque mess d'officiers, le « spectacle » de miniatures dans lequel des figurines aident à l'interaction imaginaire a quelque chose de fascinant. Des plans-maquettes de Vauban aux dioramas de trains électriques, en passant par les crèches provençales, l'œil exercé saura vite s'il est face à un authentique jardin « ouvrier », si ce n'est kabbaliste… La présence de nudistes HO Preiser – ou du Santon Cagaïre, accroupi derrière une murette – ne trompe pas… Quoi de mieux que le jeu de rôle des Messagers galactiques pour visiter ces parages ? Plutôt que d'essayer d'explorer ces phénomènes par quelque voie des profondeurs freudienne, juste savoir que Gaston Bachelard lui-même nous conte le plaisir des rêveries qui « survolent » les miniatures ; retour in illo tempore...



Cette video youtube du rôliste David – grand Messager galactique – nous présente un « char d'artiste » tout à fait dans l'esprit du jdr Mega originel « Jeu de Rôle avec Maquettes & Figurines ». Certes nous ne sommes pas dans du compagnonnage de la finition – baroque et jésuite – type Warhammer 40 000 et c'est tant mieux. C'est de l'art populaire brut, singulier mais efficace… Hervé Di Rosa voudrait le même pour son musée des Arts modestes mais, non, c'est secret. Cela ne « fonctionne » que dans le cadre d'un procédé « éducation populaire et ludique »… C'est enfin le concept du pas fait/mal fait de Robert Filliou réalisé ; l'Art, c'est ce qui rend la Vie plus intéressante que l'Art. C'est plus de la décroissance Pauperes de Lugdunum que du financement participatif pour vendeurs de goodies.

mercredi 3 novembre 2021

Laelith, la ville mystique pour jeu de rôle

Laelith, la ville imaginaire pour le jeu de rôle des Messagers galactiques
Laelith est une cité imaginaire pour jeu de rôle sortie pour la première fois dans la revue Casus Belli N° 35 de 1986. Là non plus, nous n'allons pas refaire l'historique du truc ni sa description ostentatoire disponible par ailleurs sur Internet voire en pdf. Juste essayer de comprendre pourquoi ce concept – ce support ludique et imaginaire – a pu si bien traverser les âges pour partager à plusieurs un univers onirique commun.

Une ville imaginaire pour jeu de rôle, Laelith

Tout d'abord, la ville est ouverte à tout un chacun quelque soit sa race, son origine, ou sa culture… Mieux, son spectacle – paysage – grandiose suscite la foi du croyant voire lui fait ressentir un brutal accès de mysticisme… Aberration ou merveille ? Nous ne nous attarderons pas sur « l'œcuménisme » du culte des temples des 4 éléments – censés absorber toute forme religieuse – et, en son centre, la figure lumineuse du Roi-Dieu qui peut même se doubler de celle, plus souterraine, d'un Empereur-Démon (très Gurps Goblins, Bal des vampires)… Certes ce fond mystique participe aussi au charme de la cité mais concentrons nous plutôt sur les formes concrètes de ses quartiers et paysages.
La qualité indéniable de Laelith vient de son agencement « façon puzzle », à la fois précis mais pas maniaque du détail, pour laisser à chacun une possibilité créative et imaginative tout en participant à un univers commun. Ça a l'air « naturel » mais un tel concept relève pour le moins d'un tour de force créatif… C'est ce qui fait le succès de Laelith.
- Le premier puzzle est celui d'un plateau incliné où s'élèvent les 6 quartiers de la ville et sous lequel se dissimule le 7e secteur du Cloaque. Le plateau est partagé par une faille où s'engouffre l'Inlam, le torrent du gigantesque lac d'Altalith qui nourrit la ville.
- Le 2e puzzle est celui du « hors ville » avec les sites proches de Laelith.
- Le 3e puzzle concerne les 6 provinces qui entourent le haut lac d'Altalith.

Laelith, différentes versions, un seul concept :

Chacune des parties du grand ensemble de l'univers Laelith est décrite dans les différentes versions de la cité mystique avec force personnages, organisations et débuts d'interactions possibles sans parler de la flopée de scénarios… J'attire l'attention du nouveau meneur de jeu/MJ potentiel qui s'attelle au « pavé Laelith » ; vouloir « conter » cet univers, parce qu'on a digéré son ensemble, peut nuire à la fluidité du scénario surtout si on le joue façon pulp… Mieux vaut, à mon avis, décrire l'ensemble un minimum pour se concentrer sur l'ambiance propre à un quartier/organisation qui « tient » le scénario quitte à jouer une mini-campagne pour mieux découvrir la ville par étapes…

De Casus Belli à Black Book edition

 
L'autre originalité de Laelith est sa rupture volontaire par rapport aux villes médiévales imaginaires si ce n'est « nordiques »… Certes l'amateur de nain pourra s'égarer du côté des falaises de Vorn, et le barbare tatoué de runes en Agramor, mais l'identité de la ville n'est pas là. On nous parle de Byzance comme inspiration possible, voire de Constantine en Algérie. Se souvenir qu'à côté de Légendes celtiques, Jeux Descartes nous proposait aussi de jouer les Contes des mille et une nuits… La ville jdr a ce « charme antique » que les amateurs de jeu de figurines historiques ne démentiront pas. Coup de chapeau d'ailleurs au diorama « l'Impasse de l'Arbre de Tulé », de Jean-Marie Noël, dans la dernière édition, et son ambiance très « Gangs of Rome ».
En se situant volontairement dans un contexte « montagnard et méditerranéen », Laelith se distingue des cadres rôlistiques habituels ; nous verrons que de telles inspirations peuvent avoir leurs sources dans des contrées pas si éloignées de nous… Le hors ville est aussi celui des « steppes » et l'ookabh n'est pas sans rappeler le yack ou le bœuf musqué avec tribus nomades « caucasiennes »…
Enfin, il est à noter la création originale de personnages comme les Utruz – des Hommes-poissons – et les étranges Chupl'z, Huvaliniens, Zadulhiens, qui fleurent bon la rencontre extra-terrestre avec les Messagers galactiques… Comprendre que, dès le départ, Laelith dépasse les frontières de cet univers à priori médiéval fantastique ; les révélations sur les mystérieux Litos nous disent que des « civilisations spatiales » ne sont peut-être pas très loin… Il est bien précisé que la ville peut se jouer aussi avec Mega, Empire galactique ou tout autre jeu de science-fiction… La question est de savoir à quel degré on y jouera la « technologie avancée » et l'on pense immédiatement aux « artifices camouflés » des Mégas ou à la fameuse prime directive de Star-Trek.

La ville de jdr Laelith idéale, la tienne ou la mienne ?  

Pour ma part, j'ose créer une Laelith où la technologie est présente… Une ville d'aspect médiéval mais avec des objets, armes et véhicules de toutes les époques rôlistes : armes à poudre type Warhammer, machines à vapeur steam-punk, railway-train old-west... Ganymédien contemporain avec clope et costume clair de prof de gauche, space-marine sur les remparts… Felouque et aéroglisseur anti-grav amarrés ensemble à la Chaussée du Lac… Nous reparlerons de cette Laelith qui pourrait surgir dans le background des grandes sagas Dune et Starwars… qui pourrait rappeler les ambiances d'Arzak l'Arpenteur de Moebius ou Burton & Cyb… Une ville propice au « recyclage » de toute forme de maquettes et figurines tant les scénarios d'escarmouches s'y prêtent.
Les environs de Laelith

- L'ajout d'un 4e Puzzle plus vaste, du Désert des Marches du Couchant jusqu'à l'immense Plaine des Oliviers, permettrait en outre d'associer durablement à Laelith les mondes de Goferfinker, Jarandell, voire un astro-port (ou plutôt un « lodge » selon la dernière nomenclature Mega 5 …). Est-ce trahir l'esprit du jeu ? Là est la question…
Les nombreux « déboîtages » de la dernière version de Laelith font souvent le même constat ; malgré le respect de l'univers med-fan, les illustrations plutôt « dark » coïncident mal avec l'aspect originel « lumineux et léger » de la cité. Après lecture de la dernière mouture, je peux dire que ces illustrations sont en accord avec la nouvelle ambiance que cette édition souhaite créer... On nous propose aussi une version de Laelith pour Cthulu. Nous pourrions peut-être faire la même remarque à propos de Mega 5e Paradigme. Si ces choix éditoriaux sont dus à des tendances du moment, auront-ils autant de succès dans le temps que les versions précédentes malgré la qualité indéniable du fini des produits ? Finalement, à chacun de peaufiner SA Laelith ; la mienne est en cinémascope colorisé tendance Ali Baba et les 40 Voleurs de l'Espace, tendance Satyricon de Fellini ou Médée de Pasolini revisitée par Jodorowsky et Miyazaki. Et la tienne ?

mardi 2 novembre 2021

Méga, le jeu de rôle des Messagers galactiques, qu'est-ce que c'est ?

Mega le jeu de rôle des Messagers galactiques

 Alors Mega, c'est simple – pour celles et ceux qui n'ont pas connu la grande époque de la naissance du Jeu de rôle en France –, c'est un jeu d'agents spatiaux, type agents secrets de l'espace, avec une touche de fantastique et de voyage dans les univers à la Star-treck, Valérian, Docteur Who, Stargate, blabla…
On est d'accord mais comment faire comprendre au nouveau joueur potentiel la « Révolution » qu'apporta un tel jeu dans la culture populaire française – n'ayons pas peur du mot – des années 1980 ? Comment expliquer le phénomène sans pour autant tomber dans la lourde régression « Île aux Enfants » souvent utilisée par des tendanceurs sans scrupules ; tu es des années 80 si… Commencer par contextualiser un peu le truc.

Mega, le jeu de rôle des Messagers galactiques


Comprendre le contexte de Mega, le jdr des Messagers galactiques :

La jeunesse des années 70-80 a le plus souvent la chance d'être dans une scolarité et éducation populaire – type MJC – très portée « méthode Freinet » par expérimentations d'expériences et processus de progression… Pas de réseaux sociaux mais des bibliobus et publications en tout genre qui vont de la bibliothèque verte aux premiers mangas en passant par les acteurs de Pif gadget et les super-héros de Strange. Tintin et Astérix sont peu à peu détrônés par la nouvelle BD de Bilal, Druillet, Hugo Pratt et tant d'autres... Les westerns spaghetti ont encore la côte, Belmondo donne du coup de poing, Bruce Lee fait son show mais des âmes plus sensibles et féminines rêvent aussi devant leur télé en écoutant les contes de François Chaumette, voire Albator…
Dans ces années là, acheter la revue Jeux & Stratégie permettait de se distinguer aux échecs et aux dames dans son club ou plutôt sa tribu qu'elle soit familiale ou de quartier… Jouer encore un peu avant d'être happé par la vie sérieuse du monde du travail... Jouer encore un peu au Monopoly (sans vraiment comprendre pourquoi ce « jeu d'argent » finit toujours en dispute…) et au Cluedo avec son ambiance anglaise feutrée Advengers si particulière…
Vient alors ce moment étrange où, par « accident », un pote/cousin « qui connaît » dévoile le jeu de rôle et sa nouveauté… Très vite, pour sortir du couloir-porte-monstre-trésor made in USA, Mega – le jeu de rôle des Messagers galactiques – s'impose car il permet de jouer des personnages dans des univers différents qui vont de l'exploration d'une région rurale « connue » à la saga interplanétaire… Bien comprendre qu'avec ce nouveau « système de représentation », tout l'acquis précédent devient soudain « exploitable », adaptable, source de situations possibles… Tu peux enfin te « transiter », tel Passe-muraille et sans effet video, dans l'univers de ton choix et interagir ludiquement… Tu peux « faire comme si » tu étais dans Mad-Max ou Star-Wars… Tu peux aller taper à la porte de ta voisine et lui dire : Toi et moi, nous allons nous déguiser pour visiter la ville de Laelith
Ne pas croire que ce fut la seule « génération bénie » ; celle qui suit dans les années 2000 – avec l'enchaînement Télétubbies, Pokémons, Buffy contre les vampires, Harry Potter et les films du Seigneur des anneaux – n'est pas mal non plus…

Mega 1, 2, 3... 5

Mega, le jeu de rôle, et la représentation des territoires :

Il n'y a pas lieu pour l'instant de discuter des règles du jeu Mega – nous y reviendrons – mais juste citer ses concepts de Transit (pour se téléporter d'un espace à un autre) et de Transfert (pour interagir un temps dans la peau d'un autre Personnage). Méga, le jeu de rôle des Messagers galactiques, c'est avant tout un jeu mult-univers dont les versions officielles jdr et les pdf sont riches d'univers à partager. Mais les premiers scénarios Casus Belli gravitaient simplement autour d'images à la fois familières et innovantes comme l'étonnant « Astéroïde des Territoires » du Dandy (Cassus Belli N°21). On pouvait enchaîner les scénarios sans background spécifique ; les Messagers répondaient juste à une éthique – vie et dignité – et à un « major » qui leur proposait les missions à accomplir. Si parfois Mega est cité parmi les Jeux pulps, l'évolution de ses règles et backgrounds semble s'éloigner de cette légèreté initiale. La simplicité populaire cède à la complexité de thèmes oniriques – qui ont pu aussi nourrir le jeu de rôle – d'Asimov à Pierre Bordage en passant par Jack Vance. Juste savoir que les deux ambiances ne sont pas incompatibles... 


Penser, à l'instar de Geek Powa as Fletcher, d'accord pour Mega mais avec des règles système maison (10mn46, video de 2017 juste avant la dernière édition de Mega, 5e paradigme)… De fait – et nous conclurons là-dessus – la grande particularité de Mega fut d'avoir été largement distribué en kiosque à travers la francophonie entière. Le jeu fut diffusé vers autant de tribus différentes souvent empreintes de réalités culturelles locales. Cette diffusion du jeu de rôle, en échappant au canon américain, retrouvait là sans le savoir des structures narratives que parfois des ethnologues étudiaient encore… Dans les maisons de campagnes ou les quartiers populaires, les jeunes pouvaient s'imaginer des histoires – et adapter leurs propres règles – sans savoir que les anciens d'à côté avaient pu faire pareil mais sans grille cognitive ni fiche de personnages… Parler de l'évolution du background et des règles de Mega est alors sans importance. Si des choix éditoriaux et des forums ont ébauché d'autres pistes, comprendre que chaque tribu avait fait de même dans son « canton »… La question est plus, à mon avis, de l'ordre du « comment faire » pour adapter et retrouver l'alchimie primordiale de ce jeu unique ?