jeudi 13 avril 2023

À propos de Brancalonia

Brancalonia

Petit déboitage perso sur cet étrange jeu cisalpin d'autant que, à l'instar des Messagers galactiques et Laelith, le hashtag Brancalonia semble déjà en passe d'extinction... Après un compte rendu et avis personnel sur ce jeu de rôle, nous verrons en quoi il peut relancer les systèmes jdr Mega et Laelith. 

Le jeu de rôle spaghetti


L'intitulé « jeu de rôle spaghetti » – agrémenté d'une illustration à la fiasque rafiesque gros rouge qui tâche – pouvait laisser craindre le pire... Retour des Grobills ? Succédané rôliste pour promotion tourisme de l'Italie ? Ouf.. Dès l'ouverture – la qualité des images et l'excellent travail de traduction –, le royaume d'État-Lie nous charme (aussi) par sa poésie et son romantisme... Certes les « Canailles » pourront être sujettes à la beuverie et à la baston mais pas que... Mieux que les alignements D&D5, les scénarios oscillent entre Corvées et Relâches... Cela pousse à bien adapter le roleplay de son personnage car commettre trop d'exactions, c'est à coup sûr se retrouver poursuivi par des chasseurs de primes...  Sans récupération sereine pendant la relâche, les joueurs ne feront pas long feu. La gestion de ce timing et de la « notoriété » donne une extraordinaire dynamique au jeu. Mieux, un judicieux système de « rixe » (pas qu'à mains nues) permet des combats non létaux sans perte de points de vie... Outre l'avantage de ne pas user trop vite son personnage, ou d'occire trop rapidement son prochain, cette distinction relève aussi de la réputation et des méfaits. Basculer dans le létal/méfait, c'est réduire d'autant les chances du personnage et du groupe. Un jeu « écologique » donc qui ne rebutera pas la gente féminine ou l'éthique des Messagers galactiques. Toutes les règles sont de fait optionnelles et basées sur de nombreux tableaux de situations et résultats. On trouve des tableaux générateurs  pour tout ; chemins, prophéties, équipements foireux et autres « souvenirs ». Simple, encore fallait-il y penser... Ce système compris, on a plus qu'une envie ; découvrir les lieux et leurs habitants. Succès garanti d'une ambiance originale – quelque part entre Mordheim et Don Quichotte  – avec pas moins de 16 provinces dont l'exploration demande des heures et des heures de jeu... Un MJ, qui sait adapter des tableaux à son background, n'a dès lors plus grand besoin de ficeler un scénario et peut laisser libre court à l'improvisation des joueurs heureux de générer eux-mêmes – par simple lancer de dé – des situations inédites. Les jeunes rôlistes apprécieront. Coup de chapeau aux classes de personnages et créatures originales, des marionnettes à la Befana... Le jeu distille agréablement féérie, magie de la nature et mysticisme, sans sombrer dans la religiosité comme parfois avec Warhammer ou même les temples des éléments de Laelith. 

Brancalonia pour jouer à Laelith et au jdr Mega :

Jouer à Brancalonia, pour les amateurs de D&D ou dérivés, est donc conseillé pour la qualité du système et du background original. Mais, à mon avis, l'intérêt du jeu va plus loin comme « adaptation » possible, notamment pour Laelith, Mega – le jeu de rôle des Messagers galactiques –, voire le jeu d'escarmouche/wargame avec figurines 28mm type Oldhammer ou Mordheim. 
- Pour Laelith, simplement « ficher » des tableaux de situations/rencontres adaptés par quartier/ province. La « clique » des joueurs n'est pas là par hasard, attendant dans sa taberge un hypothétique commanditaire... Elle demeure un groupe cohérent de personnalités qui vont devoir gérer leur réputation s'ils veulent au mieux progresser, au pire survivre... Outre le prétexte pour découvrir peu à peu l'univers de Laelith, on retrouve un esprit bon-enfant, « méditerranéen » et lumineux, propre aux premières versions de la cité mystique... Jouer avec le générateur Brancalonia de tripot/taberge et chemin/échelle peut vraiment dynamiser les terrasses de Laelith. 
- Pour Mega, l'adaption semble plus délicate. En quoi le jeu scifi parfois un peu précieux – j'ai pensé que le groupe aimerait ceci... – peut il avoir des affinités avec cette farce picaresque ?  Les vieux majors briscards – du temps d'OldMega2 – savent pourtant que les Messagers ont aussi ce côté « Bob Morane en Italie »... L'idée, c'est de partir d'une équipe « saine » et motivée, avec du beau matériel débriefé, pour une mission spéciale à Laelith... Bien évidemment, le matériel sera vite perdu et les joueurs devront se débiner – à travers des tableaux de situations/rencontres – pour mener à bien leur mission devenue corvée. Surtout, ils devront retrouver une bonne réputation ternie après des rixes qui les auront passablement amochés. Adapter les traits de personnalité de Brancalonia à Mega – avec idéal, obligation et « faille » – peut sortir des routines pompeuses d'ambassadeurs Jedi écosophes... 
- Pour le wargame avec figurines 28mm – idéalement des Messagers galactiques à Laelith –, le système des corvées/relâches de Brancalonia est judicieux. En plus des rixes à la Mordheim, les joueurs devront gérer des moments hors bataille, pour la relâche, avec des « repaires » de nourriture, soins, repos, munitions, alliés/ennemis associés... qui impacteront la bataille suivante. Idem, l'utilisation de tirages sur les tableaux par les joueurs peut rapidement mettre en place des situations et décors originaux.  

Mon dernier point de vue sur Brancalonia est plus « culturel ». Si le jeu a su intelligemment  éviter l'aspect tourisme, la « marque de l'Italie » est indéniable. Mais que le lecteur français ne s'attende pas à de la pizza napolitaine sur fond de mandoline. On percevra plutôt parfois les échos d'ethnotypes feutrés et légendaires.  L'Italie a une culture plus « régionale » que notre centralisation cartésienne. Un tel concept marcherait peu de ce côté-ci des Alpes. Brancalonia n'est pas le supplément « France 2009 » pour Bitume ou même le Tour de Gaule d'Astérix...  Il est évident qu'un Italien qui joue à Brancalonia s'amusera des ethnotypes de sa culture mais de façon plus subtile que nos clichés hexagonaux caricaturaux... Le jeu de rôle comme procédé ludique et éducatif de l'histoire-géographie ? Je m'autorise d'ailleurs à vous proposer un « regard inverse » ; celui de la communauté piémontaise d'Italie (Turin/Torino → Tollywood...), sur la mondialisation du médiéval fantastique, à travers ce pastiche vidéo du Seigneur des Anneaux...  Attention, la réaction instinctive de certaines langues dites régionales ne s'encombre pas de nos fenêtres d'Overton en matière de bienséance... Langues et cultures réactives parce que vivantes et populaires. Ne pas mal interpréter le ma qué band' ëd cupio...  Comme dirait Croc, on peut jouer à tous les jeux mais pas devant n'importe qui...