mercredi 17 janvier 2024

Tribu : les hommes sauvages

hommes des cavernes

Comme promis, 2024 verra le blog s'étoffer de nouveaux articles. Le libellé Tribu développera lui plutôt des concepts culturels que les « races » des univers de Fantasy. Ces personnages deviennent ici de bons supports de jeu pour le monde des Messagers galactiques à Laelith. Certes tous les standards du truc y passeront – de l'Elfe au Nain – mais pas que... et nous ne manquerons pas, à chaque fois, de développer l'aspect légendaire de ces physiologies plus ou moins sympathiques. À noter que ce blog n'est pas wikipedia – j'ai passé l'âge de justifier mes sources – ni une recherche pseudo-historique du sujet. Je renvoie d'ailleurs le lecteur à la pléthore de spécialistes du web, dont de savantes vidéos youtube. Mieux, il s'agit de montrer aussi des phénomènes sociaux qui pourront peut-être parfois faire douter des dits historiens... Commençons donc par les hommes sauvages :

Neanderthal est parmi nous

Quand l'artiste Burian réalise cette illustration d'Hommes de Neandertal, en 1958, il ignore sûrement ce que ces imageries vont générer dans la culture populaire. Certes les pulp-fictions peuplées de cannibales existent déjà mais l'exotisme semble encore l'emporter sur le pur aspect cavemen.

Du mythe de l'homme sauvage

L'excellent Frazetta lui-même ne manquera pas d'exploiter le truc, tant un retour aux sources d'un certain Animus sauvage a parfois le don de titiller les sens des lectrices potentielles...     

La planète des singes

L'homme sauvage/néanderthalien serait-il l'homme-singe ?

Déjà l'image se brise, clignote, se multiplie... D'un côté Tarzan imberbe, en régression malgré lui, vif électron libre et solaire. De l'autre, l'avatar communautaire, le poilu nauséeux, « vert » rejeton dictatorial... On retrouve la dichotomie des Lumières, celle du bon et du mauvais sauvage – selon les points de vue – qui marquera durablement l'anthropologie jusqu'à l'étude du paysan, du campagnard/montagnard reculé, ce sauvage de l'intérieur... L'esprit oscille entre le désir de vivre nu, dans l'abondance d'une nature nourricière, et le danger latent de la bestialité... L'œuvre-fiction  phénoménale du truc restant sans conteste l'atemporelle « Planète des Singes » (le livre français est de 1963) et sa géniale inversion homme-sauvage/singe-savant... Que de regardeuses médusées à la vue de Charlton Heston succombant à une chimpanzé... Figure emblématique de l'Autre-femme ? Daniel Sibony aurait aimé.  

Film d'époque en costume

Il faut attendre des films comme La Guerre du Feu (1981) pour trouver des fictions plus soucieuses de la « réalité historique » au-delà de la figure homme des cavernes dix-neuvièmiste. Avec déjà ce grand schisme entre Neandertal et Sapiens, le second éduquant volontiers le premier – forcément limité –  ou l'exploitant/usant jusqu'à sa disparition. Spéculations les plus folles. Sapiens versus néolithique alors que Neandertal s'est éteint 24 000 ans avant... On rigole ? Le phénomène peut s'inverser ; allez voir les représentations historiennes pointilleuses d'Ötzi – l'homme des glaces – qui, malgré son matériel spécialisé néolithique, a toujours curieusement un aspect pour le moins voûté et simiesque ; des archétypes ont la vie dure, on aurait préféré la fierté d'un Huron. 

Film avec Gérard

Finalement, les fictions-délires nous ôtent ce malaise historique ; il s'agit consciemment de conserver les deux clans : les cérébraux et les musclés... À moins qu'une figure emblématique ne réussisse le tour de force de réunir les deux facettes ? Tu as bien sûr tout de suite pensé à... Rahan. Le sauvage, c'est l'autre, celui qui n'a pas les codes d'une certaine stratégie de condescendance comme dirait Bourdieu... 

Contes & Légendes


L'Homme sauvage est il l'homme des bois ?

La vraie racine du sauvage qui nous intéresse est légendaire, européenne voire alpine, c'est « l'homme des bois » – parfois nommé Orcus ou Green Man – dont la survivance communautaire est encore attestée au Moyen-âge. Sa disparition a pu générer des recherches d'avatars singuliers plus gros physiquement ; yéti et sasquatch... À noter, la ressemblance linguistique entre le Migou/yéti et le Mâgou ; l'homme des bois des Alpes du Sud... Homme sauvage proche des arcanes de la nature qui, à l'instar des fées/elfes, pouvait enseigner certains secrets dont la transformation du lait. Hommes « non-initiés » à certains codes collectifs ; leurs derniers représentants – dixit les légendes vaudoises – ont été précipités dans le vide après qu'on leur ait entravé les pieds... L'image de ces « pendus » est symbolique, bien sûr, et nous aide à sourire face aux challenges contemporains, coûteux et bien réels, du saut à l'élastique ou de racines dégustées en immersion survivaliste bushcraft... Des archétypes ont la vie dure.  

Orques et Gobelins

Les légendaires Sauvages des bois deviendront les Orcs de Tolkien – jamais aussi bien illustrés que par Angus McBride – , créatures gobelinesques contaminées par le mal humain, chargées de métal et d'armes lourdes... La suite on la connaît, avec la déferlante des « Orques verts » façon Games Workshop... Il y a là une distinction fondamentale à faire ; l'homme sauvage originel, proche de la nature, n'est pas la horde destructrice de la Fantasy à qui nous réserverons bien-entendu un article/Tribu spécial.


L'idée, ici, c'est bien de revenir à une mouture jeu-de-rôle et wargame qui réhabilite la figure de l'homme sauvage originel. Quelques jeux existent (dont l'excellent Würm) ainsi que des figurines anglo-saxonnes mais, dans le cadre des Messagers galactiques à Laelith, je voulais une « tribu potache » pour plusieurs raisons :
- Baser cet univers, troublé par l'arrivée récente d'une technologie industrielle, sur des représentants de la nature sauvage originelle à la fois victimes et rebelles... 
- Pouvoir sortir une unité d'Hommes sauvages face aux Joueur.se.s indépendamment du cadre de l'action ; steppe, montagne, jungle voire désert... Certes les amateurs du jeu Congo ont leurs tribus fétiches voire Jivaros coupeurs de têtes s'ils poussent en Amazonie... Ici, nous nous limitons d'abord à une tribu standard. 
- Pouvoir faire une armée/équipe complète grâce à la base plastique Fantasy Warriors (1990) à laquelle on rajoute simplement quelques figurines de « vrais » cavemen. La description et caractéristiques des figurines de cette tribu te seront dévoilées ultérieurement. 
 
 

lundi 1 janvier 2024

À propos du jeu de figurines Rugged Adventures

Rugged Adventures

Tu le sais, le blog des Messagers galactiques à Laelith continue en 2024. Ici, le propos est de jouer avec des figurines 28 mm dans les mondes de Méga et Laelith. Transférer ces ambiances jeu de rôle à un univers plus wargame. Jusqu'à présent, avec mes joueurs/client.e.s préférés, je me satisfaisais assez bien de règles maison, quelque part entre Mega2 et Warhammer battle. J'ai déjà posté d'autres inspirations ludiques possibles comme l'étonnant Brancalonia. Et puis... je suis tombé par hasard sur la version on-line de Rugged  Adventures ! (et il en a résulté Miniaventures)

Jeu de figurines 28mm

Rugged Adventures – littéralement « aventures rugueuses », on pourrait dire musclées – est un jeu de figurines 28mm créé par le sculpteur Bob Murch. Certes, la base de son site Pulp Figures est commerciale ; vendre les excellentes figurines de Bob par le biais, notamment, du très pro North-Star Figures. Mais le site est d'abord un cadre, une ambiance, pour jouer dans l'univers pulp, du steam-punk à Star-trek... Pour le français qui ignore tout, disons que c'est plutôt « Indiana Jones ». Les anglo-saxons semblent avoir plus de nostalgie que nous pour ces histoires bon-marché, ces sous-produits aux intrigues bateaux, qui font vibrer le cœur de tant de lectrices. Ne nous trompons pas ; Rugged n'est pas un avatar du consumérisme hollywoodien Disney mais bien ce que la « bonne » culture populaire américaine peut proposer de mieux. Avant de développer – bien sûr – un avis culturel du truc, laisse-moi d'abord te présenter la mécanique sous le capot : 

Rugged adventures, les principes du jdr adaptés au wargame

- Le jeu n'est pas nouveau et disponible gratuitement en PDF (en vo) sur le site. J'y jetai un coût d'œil, pensant y trouver un avatar de Pulp Alley ou une version strange du wargame avec figurines Bolt-Action. Fidèle à un esprit oldhammer, je craignais de tomber encore sur des règles avec cartes et pions marqueurs... Mais non, Rugged Adventures utilise uniquement des D6 et surtout des D10. Mieux, les mouvements et distances de tir (en pouces à convertir en cm) sont parfois impressionnants ; la table de jeu ne sera pas un support de camping pour diorama...
- Le principe de Rugged est simple ; deux camps – voire plus – ne doivent pas tant s'affronter (en logique Warhammer) que résoudre un scénario jdr pour leurs unités. Un des joueurs est le Game-Master que nous nommerons ici, à la française, Meneur de Jeu/MJ ; c'est lui qui propose le scénario jdr et il aura noté secrètement tout plein de surprises du chef dont nous reparlerons. Bien entendu, le scénario est dans l'esprit pulp ; libérer Lady Mascara des griffes de l'infâme yakusa Shiro-Toro... saboter un aéroplane qui menace de partir lâcher sa cargaison de bombes sur d'innocents villageois...   
- La logique des tours de jeu est classique du wargame : mouvements et ralliements, tirs, corps-à-corps, résultats et tests de moral... Et on en arrive aux spécificités de Rugged ; les phases d'un tour sont simultanées... Ping-pong dynamique pour les deux joueurs avec ses annonces, ses résolutions rapides en tableaux adaptés, et surtout une phase roleplay jdr en fin de tour – très « com » – où chacun commente et invective l'autre par radio, mégaphone ou hurlements (à chuchoter...). 
- Rugged Adventures revendique ouvertement l'aspect jeu de rôle au sein de ses règles wargame... On est même invité à se déguiser et à mimer autour de la table pour doper l'ambiance. Mieux, chaque joueur incarnera un, voire plusieurs, PRP – Player Represented Personnality – que nous nommerons, à la française, Personnage Joueur/PJ... Celui-ci a des caractéristiques spéciales qui lui permettent, toujours par jets de dés, de résoudre des actions plus coriaces et cocasses... Mieux, les caractéristiques des PJ sont souvent définies par les attributs de la figurine ; matériel, borgne ou unijambiste... Le PJ commande une ou plusieurs unités de figurines, plus ou moins bien, en fonction de sa moralité et de celles de ses soldats... Le PJ peut naturellement mieux s'en sortir que le lambda moyen et, par principe, toute nouvelle tête dans l'épisode a de grandes chances de disparaître avant la fin.

rugged men

La bonne ambiance pour jouer des Megas à Laelith

- La grande particularité de Rugged, c'est donc l'ambiance... Les décors ne sont pas là pour ne signifier que des volumes ; chaque maison, chaque champ de blé, chaque buisson, peut recéler une surprise que le MJ aura soigneusement préparé, sans parler des inévitables chausse-trappes qui peuvent surgir dont la très classique « fosse au tigre » ; on peut ainsi recycler tout le bestiaire trad des premiers Megas, du crocodile au brochet géant... La description des armes, matériel et artefacts, aura de quoi rendre jaloux les fans de gadgets et autre Q de James Bond. d'autant que Rugged distingue savamment l'équipement des Héros et des Vilains. Rarement un jeu aura pu réunir ainsi roleplay et supports, les exemples donnés peuvent générer des variations infinies.
- De plus, Rugged Adventures donne la part belle aux figurants. Ici les passagers des quais de trains électriques miniatures sont partie prenante, le plus souvent en victimes à protéger... À moins qu'ils ne soient de vrais partisans rôdés ou d'odieux cultistes dévoyés... À l'instar des wargames purement militaires, le jeu distingue les troupes régulières des irréguliers et rajoute la classe des civils/villageois. Un tableau propose aussi de résoudre des combats non-létaux. Transposer tout ce cadre ludique pour Mega à Laelith donne déjà le tournis ; équipées sauvages, bandes des quartiers, sbires des temples... Plutôt que de définir une grande armée, Rugged Adventures invite plutôt à personnaliser quelques figurines en groupes originaux, bandes de Mega ou autre. Mais que les nostalgiques de Warhammer se rassurent ; on peut faire les deux... 

Jeu de rôle et figurines

Enfin, pour finir, un petit point of view culturel... Rugged a parfois un côté testostérone ; de vieux briscards du jeu populaire poussent du plomb rigolard. La critique serait facile mais, promis, je te disserterai un jour ma théorie du jeu de figurine pour quinquas comme un des plus hauts besoins accomplis de Maslow... D'autant que rien n'empêche d'intégrer la gente féminine à la table de jeu pour des scénarios années folles plus nuancés, ou pas... L'aspect théâtral grandeur-nature des joueuses est parfois surprenant et le MJ devra savoir gérer les envolées lyriques, pour ne pas dire hystériques, du cosplay des copines... Avec Rugged Adventures j'ai enfin trouvé l'étincelle de plus pour pimenter mon concept des Messagers galactiques à Laelith ; j'espère pouvoir t'en reparler à travers des tas d'exemples concrets d'équipes de figurines et de décors. À bientôt.