Alors Mega, c'est simple – pour celles et ceux qui n'ont pas connu la grande
époque de la naissance du Jeu de rôle en France –, c'est un jeu
d'agents spatiaux, type agents secrets de l'espace, avec une touche
de fantastique et de voyage dans les univers à la Star-treck, Valérian, Docteur
Who, Stargate, blabla…
On est d'accord mais comment faire comprendre au nouveau joueur
potentiel la « Révolution » qu'apporta un tel jeu dans
la culture populaire française – n'ayons pas peur du mot – des
années 1980 ? Comment expliquer le phénomène sans pour autant
tomber dans la lourde régression « Île aux Enfants » souvent utilisée par des tendanceurs sans scrupules ;
tu es des années 80 si… Commencer par contextualiser un peu le truc.
Comprendre le contexte de Mega, le jdr des Messagers galactiques :
La jeunesse des années 70-80 a le plus souvent la chance d'être
dans une scolarité et éducation populaire – type MJC – très portée « méthode Freinet » par
expérimentations d'expériences et processus de progression… Pas
de réseaux sociaux mais des bibliobus et publications en tout genre
qui vont de la bibliothèque verte aux premiers mangas en passant par
les acteurs de Pif gadget et les super-héros de Strange. Tintin et
Astérix sont peu à peu détrônés par la nouvelle BD de Bilal,
Druillet, Hugo Pratt et tant d'autres... Les westerns spaghetti ont encore la côte,
Belmondo donne du coup de poing, Bruce Lee fait son show mais des
âmes plus sensibles et féminines rêvent aussi devant leur télé
en écoutant les contes de François Chaumette, voire Albator…
Dans
ces années là, acheter la revue Jeux & Stratégie permettait de
se distinguer aux échecs et aux dames dans son club ou plutôt sa
tribu qu'elle soit familiale ou de quartier… Jouer encore un peu
avant d'être happé par la vie
sérieuse du monde du travail... Jouer encore un peu au Monopoly
(sans vraiment comprendre pourquoi ce « jeu d'argent »
finit toujours en dispute…) et au Cluedo avec son ambiance anglaise
feutrée Advengers si particulière…
Vient
alors ce moment étrange où, par « accident », un
pote/cousin « qui connaît » dévoile le jeu de rôle et
sa nouveauté… Très vite, pour sortir du
couloir-porte-monstre-trésor made in USA, Mega – le jeu de
rôle des Messagers galactiques – s'impose car il permet de jouer
des personnages dans des univers différents qui vont de
l'exploration d'une région rurale « connue » à la saga
interplanétaire… Bien comprendre qu'avec ce nouveau « système
de représentation », tout l'acquis précédent devient soudain
« exploitable », adaptable, source de situations
possibles… Tu peux enfin te « transiter », tel Passe-muraille et sans effet video, dans l'univers de ton choix et interagir ludiquement…
Tu peux « faire comme si » tu étais dans Mad-Max ou
Star-Wars… Tu peux aller taper à la porte de ta voisine et lui
dire : Toi et moi, nous allons nous déguiser
pour visiter la ville de Laelith…
Ne pas croire que ce fut la
seule « génération bénie » ; celle qui suit dans
les années 2000 – avec l'enchaînement Télétubbies, Pokémons, Buffy contre les vampires,
Harry Potter et les films du Seigneur des anneaux – n'est pas mal
non plus…
Mega, le jeu de rôle, et la représentation des territoires :
Il n'y a pas lieu pour l'instant de discuter des règles du jeu Mega – nous y reviendrons – mais juste citer ses concepts de Transit (pour se téléporter d'un espace à un autre) et de Transfert (pour interagir un temps dans la peau d'un autre Personnage). Méga, le jeu de rôle des Messagers galactiques, c'est avant tout un jeu mult-univers dont les versions officielles jdr et les pdf sont riches d'univers à partager. Mais les premiers scénarios Casus Belli gravitaient simplement autour d'images à la fois familières et innovantes comme l'étonnant « Astéroïde des Territoires » du Dandy (Cassus Belli N°21). On pouvait enchaîner les scénarios sans background spécifique ; les Messagers répondaient juste à une éthique – vie et dignité – et à un « major » qui leur proposait les missions à accomplir. Si parfois Mega est cité parmi les Jeux pulps, l'évolution de ses règles et backgrounds semble s'éloigner de cette légèreté initiale. La simplicité populaire cède à la complexité de thèmes oniriques – qui ont pu aussi nourrir le jeu de rôle – d'Asimov à Pierre Bordage en passant par Jack Vance. Juste savoir que les deux ambiances ne sont pas incompatibles...
Penser, à l'instar de Geek Powa as Fletcher, d'accord pour Mega mais avec des règles système maison (10mn46, video de 2017 juste avant la dernière édition de Mega, 5e paradigme)… De fait – et nous conclurons là-dessus – la grande particularité de Mega fut d'avoir été largement distribué en kiosque à travers la francophonie entière. Le jeu fut diffusé vers autant de tribus différentes souvent empreintes de réalités culturelles locales. Cette diffusion du jeu de rôle, en échappant au canon américain, retrouvait là sans le savoir des structures narratives que parfois des ethnologues étudiaient encore… Dans les maisons de campagnes ou les quartiers populaires, les jeunes pouvaient s'imaginer des histoires – et adapter leurs propres règles – sans savoir que les anciens d'à côté avaient pu faire pareil mais sans grille cognitive ni fiche de personnages… Parler de l'évolution du background et des règles de Mega est alors sans importance. Si des choix éditoriaux et des forums ont ébauché d'autres pistes, comprendre que chaque tribu avait fait de même dans son « canton »… La question est plus, à mon avis, de l'ordre du « comment faire » pour adapter et retrouver l'alchimie primordiale de ce jeu unique ?